André Kahane, le Rouge sans le Noir
André Kahane, disparu cet été dans sa 92e année.
André Kahane s’est éteint le 7 août dernier. Et c’est peu dire qu’il laissera le souvenir d’un homme qui aura compté pour sa famille, ses amis, ses collèges de travail et ses camarades.
Fils du biochimiste Ernest Kahane et de l’ingénieure chimiste Marcelle Wurtz, il était né le 14 novembre 1929 à Bois-Colombes, en région parisienne. Après des études brillantes à Paris, il enseigna à l’université de Grenoble à partir de 1961, docteur d’État en 1962 et professeur d’université en 1972. Il fut l’un des artisans de la création d’une cellule communiste à l’université, au milieu des années 60. Il était membre du PCF depuis le début des années 50 et lui est toujours resté fidèle.
La physique sur quatre roues
Comme enseignant, il savait passionner ses étudiants. « Un souvenir qui m’a marqué fut celui d’un de ses cours de mécanique où il nous a expliqué le parcours d’une arme à deux boules (avestrucera) depuis le lancement par le chasseur jusqu’à l’animal entravé », témoigne Edouard Schoene. Une autre façon d’aborder les lois de la physique.
Ce dont atteste également Gérard Chouteau, lui-même enseignant-chercheur à Grenoble : « Passionné par la vulgarisation scientifique et par l’enseignement de la physique à l’école et au collège, il était persuadé que l’enseignement des sciences devait passer par l’expérimentation. C’est ainsi qu’il déploya une activité féconde et originale à la DAFCO, au rectorat de Grenoble, avec notamment la mise place de l’opération ‘’La physique sur quatre roues’’, dont le titre est à lui seul un programme. Lorsqu’il quitta ce service, j’eus l’occasion de rencontrer quelques-uns de ses collaborateurs chez qui il avait fait forte impression ».
Josette et André Kahane.
Comme tous les militants de sa génération, André Kahane s’est pleinement investi dans le mouvement de mai 68. « Pendant le conflit qui s’est prolongé en 1969 à Grenoble, André était engagé, très critique vis-à-vis des gauchismes extrêmes, très militant pour combattre de Gaulle et construire une université démocratique », rappelle Edouard Schoene. » Je me souviens de son imperturbable calme lors des assemblées générales, toujours houleuses, souvent chaotiques et parfois violentes », raconte Gérard Chouteau. « Celles-ci se terminaient presque toujours par l’approbation de textes hybrides résultats d’impossibles compromis entre factions opposées. André manifestait une aversion définitive pour les mouvements gauchistes de toutes natures. Lors de l’une de ces interminables assemblées, André fut chargé de rédiger un texte de compromis. Avec son incroyable faculté de concentration, il s’absorba dans sa rédaction, au milieu du tumulte. Au bout de quelques minutes, il se leva, texte en main et déclara : ‘’voici le monstre que je propose’’ et ajouta sans le moindre sourire : ‘’je voterai contre’’ . Toute la personnalité fascinante d’André est dans ce petit bout d’histoire.”
Un regard rieur et tendre
André Kahane n’a jamais cessé de s’impliquer dans la vie politique. « J’ai le souvenir d’un homme calme, d’une grande rigueur intellectuelle, qui lors du traité de Maastricht a fait un énorme travail d’analyse pour mobiliser, pour combattre le Oui au référendum en 2005 », relève par exemple Edouard Schoene. Tandis que Claire Tranchant et Saïd Boudjema, tout jeunes responsables de la JC dans les années 80, se souviennent de cet « homme discret, calme, qui partageait nos colères, nos espoirs avec un regard rieur et tendre devant notre fougue ». Un homme sur lequel la JC pouvait compter, que ce soit dans les campagnes pour la libération de Nelson Mandela ou pour l’organisation de débats avec les jeunes. « Il restera pour nous comme un grand intellectuel, militant intègre, très proche de ses camarades avec son regard pétillant et très doux », insistent Claire Tranchant et Saïd Boudjema.
André Kahane fut encore conseiller municipal d’opposition à la Tronche, de 1983 à 1989. Et toujours soucieux des autres. Une fois à la retraite, il s’est beaucoup engagé, avec le même militantisme rigoureux, efficace et respectueux dans les activités syndicales au sein de sa copropriété et a continué, lors des réunions de la section des universités (puis de celles de la section Est-Agglo) à faire preuve du même esprit tout à la fois critique et bienveillant.
L’association des enfants de parents
Personnalité engagée, attachante, soucieuse de transmission des savoirs, André Kahane était aussi un homme à l’humour très vif. « Mon père s’était beaucoup investi dans les parents d’élèves (FCPE, à l’époque désignée par “parents d’élèves Cornec”). Comme cela le conduisait à animer très souvent des réunions en fin de journée dans tous les coins du département, il était rarement présent au dîner familial. En réponse à mes protestations à ce sujet, il m’avait désignée présidente-fondatrice de “l’association des enfants de parents d’élèves”. J’aime à penser qu’il avait ainsi décelé et officialisé la première étape de ma vie militante !”, sourit sa fille Claudine Kahane. Un parcours militant qu’il suivit avec attention. “Quelques années plus tard, il avait de nouveau accompagné mon engagement, cette fois-ci au sein de l’Union des jeunes filles de France (la JC n’était pas encore mixte !) au lycée Stendhal, en mettant sa machine à écrire à ma disposition pour la rédaction (sur stencil !) du journal que nous avions créé. Et nous avait proposé, avec son humour délicat, que nous l’appelions “Le Rouge sans le Noir”, ce que nous avions évidemment accepté avec enthousiasme.”
André Kahane, un homme aux vies multiples, parmi lesquelles celle qu’il consacrait à sa femme, Josette, à ses quatre enfants et à sa grande et belle famille n’était pas la moins importante. Une figure d’humanité nous a quittés.
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